Angela Hartlin (Dartmouth, Canada) est la première personne dans le monde à avoir témoigné de sa dermatillomanie. Elle est aujourd’hui un personnage public, défenseur de ce trouble au Canada et aux Etats-Unis. Son livre Forever Marked : A Dermatillomania Diary (2010), est un journal retraçant son vécu en tant que dermatillomane, c’est le premier livre paru abordant le thème de la dermatillomanie. Elle a également réalisé Scars of Shame (2015), le premier documentaire sur la dermatillomanie.
La dermatillomanie d’Angela Hartlin est devenue sévère à l’âge de 13-14 ans, elle est depuis devenue le défenseur de la santé mentale au sujet de la dermatillomanie, en sensibilisant le public à travers la diffusion de documentaires et d’interviews. Elle est activement impliquée dans plusieurs organisations existantes en Amérique du Nord, au Canada et aux Etats-Unis, traitant la dermatillomanie et d’autres Comportements Répétitifs Centrés sur le Corps (CRCC) dont le TLC (Trichotillomania Learning Center) à Los Angeles (Californie, USA). Elle est l’auteur du livre « Forever Marked » (2010) et du documentaire « Scars of Shame » (2015). Elle a été présenté dans les médias plus de 35 fois à travers les journaux, magazines, stations de radios et chaines de télévisions, au Canada et aux Etats-Unis. Elle anime des ateliers au Trichotillomania Learning Center (Los Angeles, USA) et est invitée à de nombreuses conférences. Angela Hartlin a siégé au conseil d’administration du CBSN (Canada) pendant un an. Elle écrit également des articles pour le Huffington Post journal.
- Site officiel d’Angela Hartlin : Skin Picking Support
Quelques passages traduits de son livre en anglais…
– « Quand je sens ou que je vois une anomalie sur ma peau, ma première réaction est de la supprimer, car pour moi elle ne doit pas être là. Et même si je sais bien que je ne fais qu’aggraver le problème en créant une rougeur, une inflammation ou une croûte… quelque chose de sordide à l’intérieur de mon cerveau me fait croire que c’est bien ce que je fais et que je fais une sorte de faveur à mon corps. » (p.75)
– « J’ai appris en thérapie qu’un des problèmes qui créent ma dermatillomanie est le fait que je dissocie mon esprit de mon corps. Je ne le savais pas avant, mais quand je parlais de mon corps je disais « il », et pas « mon ». La seule chose que je considérais être « moi » était mon esprit, ma logique, mon intelligence et ma rationalité. Mais pas mon corps. Du coup en thérapie de groupe on m’a demandé de lire à haute voix une lettre que j’ai écrite, de mon esprit à mon corps, afin que je puisse trouver le lien, sentir mon Moi, sentir que je suis mon corps. » (p.75)
– « Je me sens si perdue, confuse et seule. » (p.76)
– « En thérapie on m’a appris à connecter mon corps et mon esprit, et à les voir comme une seule entité. J’ai pris conscience que je n’allais pas toucher « la peau », mais j’allais toucher « ma peau, et mon corps. » (p.86)
– « Je n’aime pas ne pas avoir le contrôle… » (p.87)
– « Je me suis donné des objectifs à long terme : oser aller à la plage, seule ou avec des amis. M’allonger sur une serviette et être en maillot de bain sans me soucier de mes cicatrices. Aller dans la salle de bain une fois sans me triturer. Me regarder dans le miroir sans penser quelque chose de négatif de moi. Me proposer volontaire pour une scène dans mon cours de théâtre. Etre fière des résultats que j’ai déjà obtenus sur ma peau, garder confiance et ne pas perdre espoir. Accepter les chapitres difficiles de ma vie, et être fière d’avoir surmonté de nombreux obstacles. Laisser mon coeur prendre des décisions et non parfois ma tête, pour ne pas continuer à rater des choses. Témoigner mon amour aux gens que j’aime et me le dire aussi à moi. (p.88)
– « Ma soeur est comme moi, c’est gratifiant pour elle d’avoir une belle peau ». (p.91)
– « Ma dermatillomanie est un emploi à temps plein. Elle est constamment dans mon esprit. J’essaie toujours de me dire de ne pas le faire, d’arrêter, ne pas entrer dans la salle de bain, de me tenir occupée, mais je ne sais pas comment gérer autrement mon stress. Bien qu’elle soit ma pire ennemi, la dermatillomanie est aussi ma meilleure amie. Elle m’accompagne tous les jours. Et d’une certaine manière, je ne veux pas perdre cette amie qui a été là avec moi pendant mes plus sombres moments. C’est elle qui m’a aidé à commencer un livre, c’est elle à qui je me confie quand je suis en colère, et je ne veux pas embêter quelqu’un d’autre avec mes problèmes. C’est assez similaire je trouve à des troubles alimentaires, on a l’impression de contrôler nos actions, mais en réalité, c’est la maladie qui nous contrôle. C’est une addiction forte et redoutable. » (p.92)
– « J’ai l’impression que le temps passe beaucoup plus vite quand je suis isolée dans les toilettes à triturer ma peau. Les minutes passent, une heure, des fois deux, parfois même plus, alors que j’ai l’impression qu’un court moment seulement vient de passer. C’est comme les jeux vidéos, on est accro, concentrés et on y est complètement dévoués. On peut y jouer pendant des heures et s’apercevoir que c’est l’heure d’aller se coucher. A triturer et gratter ma peau comme ça depuis des années et à accumuler les heures, je pense que j’ai perdu une grande partie de ma vie, peut-être sûrement sept mois d’affilés sans dormir, si je faisais une estimation. Quand je me gratte et que le temps passe vite, ce qui m’arrive tout le temps, je rate de nombreuses évènements, de sorties, des possibilités de faire d’autres choses, et je m’éloigne à chaque fois de mes objectifs et de mes rêves. Parfois je me sens plus jeune que je suis, car j’ai raté beaucoup de moments de ma vie, d’occasions de faire des choses positives, de chances à attraper, à cause de ma propre haine de moi-même et de mon manque de confiance/d’estime de soi. J’ai aussi manqué des occasions desquelles j’aurais pu apprendre. Quand il s’agit de réussir, j’ai peur de l’échec… mais je suppose que surmonter sa peur est la définition du courage. (p.92)
– « J’ai dû mal à être proche des hommes de manière tactile. Pourtant j’aime donner et recevoir des câlins, mais ils sont restés vides pendant tellement longtemps. Le contact physique est très important pour moi, la personne qui me serre me fait penser que je ne suis pas trop repoussante pour être touchée. » (p.96)
– « Mes problèmes sont des plaies ouvertes. Dans l’ensemble, je me trouve certainement plus laide que je ne le suis en réalité. Je vois des marques que d’autres personnes ne verraient même pas. Je les trouves dégoutantes… comme la vision que j’ai de moi-même. » (p.96)
– « Je déteste pleurer et je n’arrive pas à pleurer devant les gens. Je pense savoir pourquoi. Quand je pleure, j’ai besoin d’être prise dans les bras comme un enfant, je n’ai pas besoin qu’on me parle, ou qu’on me donne de faux conseils ou encouragements… » (p.105)
– « Quand je triture ou gratte ma peau, je ne me sens plus vivante, je me sens déconnectée… » (p.107)
– « J’espère qu’un jour, un professionnel se penchera sur ce journal et prendra ce trouble suffisamment au sérieux pour essayer de trouver un remède et traiter cette maladie… » (p.109)
– « J’ai l’impression que je ne peux plus me cacher, que tout le monde est capable de scruter mon âme et de voir tous mes défauts. » (p.114)
– « Parfois quand je me promène, j’ai l’impression que tout mon corps est exposé et qu’on peut voir mes cicatrices, même à travers mes vêtements, et que même si les gens ne peuvent pas me voir nue, ils peuvent voir mon tourment à travers mes yeux sombres. » (p.115)
– « Je suis une rêveuse, c’est difficile d’être une rêveuse dans ce monde, vraiment vraiment dur… » (p.116)
– « Je sais à quel point ma peau est devenue insensible aux coupures, égratignures, triturages… du coup j’ai du mal à remarquer quand je me suis blessée, et généralement j’arrête quand j’ai fais un carnage sanguinaire (littéralement)… » (p.147)
– « Aujourd’hui j’étais très grognon et nerveuse, la dermatillomanie m’a aidé à me calmer… » (p.147)
– « Je ne veux pas avoir une autre année, je ne me sens pas capable de faire une année de plus de théâtre, être marquée dans l’histoire par une caméra, et montrer à tout le monde mon auto-terrorisme… » (p.149)
– « Je voudrais savoir pourquoi je fais ça… » (p.149)
– « L’envie devient encore plus forte et plus forte, si je n’y réponds pas, je ne peux même plus fonctionner… » (p.162)
– « Ma psy pense que j’ai créé une façon unique de me faire du mal parce que je veux être différente… » (p.164)
– « Ma dermatillomanie vient si naturellement maintenant, puisqu’elle est là depuis des années… me gratter est devenu comme respirer. Quand je ne me gratte pas, mon esprit commence à suffoquer, je suis en tension jusqu’à ce que je me libère. » (p.172)
– « Sur internet, je suis tombée sur une vidéo intitulée « Dermatillomania ». Dans ce document, un homme montre comment il triture sa peau et il a montré ses rituels à la caméra. Il explique la satisfaction qu’il ressent quand il arrive à sortir ce qu’il trouve. Ce n’est pas la vidéo qui m’a fait peur, mais les 20 pages de commentaires avec la plupart des gens qui disent qu’il est malade, dégoûtant et qui disent qu’il « ne devrait pas faire ça », que c’est un monstre, qu’il devrait mettre des pansements etc. C’est terrifiant de voir ce genre de commentaires… ça me donne envie de me cacher dans un trou quelque part très loin… C’est lâche de la part des gens de dire des trucs si ignobles sur internet, parce qu’ils n’ont pas les couilles de le faire en face. » (p.174)
– « Mon dermatologue ne comprends pas l’état de ma peau car il m’a dit que je n’avais que 5% d’acné. Ce n’est pas la peine que je lui explique… » (p.175)
– « Ma première lettre de témoignage : Bonjour je m’appelle Angie, j’ai 22 ans et je vis au Canada. Je souffre de Dermatillomanie, le trouble compulsif du triturage et grattage de la peau. La plupart des gens ont entendu parler de la trichotillomanie, le trouble qui consiste à se tirer les cheveux. C’est comme ça que j’ai été diagnostiqué, car le DSM ne reconnaît pas la Dermatillomanie comme un trouble distinct. Votre pièce de théâtre sur la femme qui a des problématiques auto-agressives sur sa peau m’a déclenché l’envie de vous écrire à cause de la honte que cette femme doit sûrement ressentir et des marques sur son corps qu’elle s’est fait. J’ai gratté et trituré ma peau toute ma vie, et c’est devenu hors de contrôle… je me suis fait des marques de plus en plus visibles qui m’ont fait prendre des mesures drastiques pour me cacher. Tout cela a commencé quand j’avais 13 ans. Je fais ça depuis petite et jusqu’à aujourd’hui où j’ai 18 ans. Je pensais que j’étais la seule personne à avoir ce problème, que c’était complètement bizarre de faire ça. J’évite les situations sociales qui peuvent révéler l’état actuel de ma peau dans les mauvais jours et pourtant j’accepte d’avoir ce trouble. Il est difficile pour moi d’en parler à des amis sur le moment, mais j’arrive un peu plus à leur parler des crises passées. Je peux vous donner un aperçu rapide de l’impact sur moi de ce trouble depuis que j’ai 13 ans. Environ 50% de mon corps est couvert de marques dans les zones du dos, des épaules, de la poitrine, des bras et des jambes. Faisant moi-même du théâtre, j’aimerais être un jour capable de parler ouvertement de ce sujet sur scène pour toucher les personnes les plus exposées par ce problème, car je crois que beaucoup de personnes en souffrent. Mon objectif un jour est de faire prendre conscience de l’existence de ce trouble afin que les gens qui l’ont ne se sentent pas seuls et isolés, ce qui m’arrive depuis 5 ans. J’ai commencé à en parler en ligne sur internet et il a été gratifiant de voir combien de messages j’ai reçu venant d’inconnus, me remerciant d’être la personne qui ose en parler afin qu’ils ne soient pas seuls. Répandre la connaissance et la conscience de ce trouble est pour moi un moyen de sortir de l’isolement dans lequel je suis. Ca me sert à aider des gens, ce qui m’aide également en retour. » (p.177)
– « La dermatillomanie est en retard en termes de prise de conscience de ce trouble ou même au niveau de son acceptabilité dans la société. Cela doit changer, car les dermatologues donnent de faux diagnostics de troubles de la peau, et les professionnels de santé mentale (psychologues, psychiatres…) ne sont pas encore ouverts à l’idée qu’une telle manie existe. » (p.180)
– « Ce que j’ai appris sur moi-même en faisant ces gestes sur mon corps, c’est qu’attaquer ma peau lui donne des infections, et donc que je ne suis pas indestructible. Le danger au quotidien c’est qu’il y a de la saleté sous les ongles, et que la main devient en fait un « outil » non-aseptisé que j’utilise pour triturer mon corps. » (p.187)