Trichotillomanie

La trichotillomanie, ou trichomanie, est un trouble chez l’être humain caractérisé par l’arrachage compulsif de ses propres poils et/ou cheveux, cil et/ou sourcils, entraînant une alopécie manifeste sur la partie du corps touchée. D’abord classée dans « Trouble du Contrôle des Impulsions » dans le DSM-IV (1994), elle est finalement classée dans « TOC et apparentés » dans le DSM-5 (2013), avec la dermatillomanie et les autres CRCC. Le mot « trichotillomanie » vient des termes grecs θρίξ, τριχός, (thríx, tríkhos) : poil, τίλλω, (tíllō) : épiler ou effeuiller et μανία, (manía). Il fut utilisé pour la première fois en 1889 dans une étude de cas par le dermatologue français François Henri Hallopeau (1842-1919).

PREVALENCE

Il apparaît que l’épidémiologie de la trichotillomanie est extrêmement complexe à estimer. Ceci s’explique par plusieurs raisons. Tout d’abord, peu de trichotillomanes consultent spécifiquement pour ce trouble, et beaucoup d’entre eux ont plutôt tendance à consulter les dermatologues que les psychiatres. De plus, la trichotillomanie est fréquemment un symptôme accompagnant un trouble psychiatrique et pas forcément le trouble lui-même. Enfin, longtemps ignorée des classifications, elle n’apparait que dans le DSM-IV (1994). Tout ceci fait que l’épidémiologie de la trichotillomanie est extrêmement variable selon les études, les auteurs et les critères utilisés. La trichotillomanie était d’ailleurs considérée comme assez rare jusqu’aux années 1990. Toutefois, le fait que les médias se soient intéressés à ce trouble semble avoir poussé les individus à consulter beaucoup plus qu’auparavant, provoquant une petite croissance des statistiques. Certains auteurs estiment la prévalence de la trichotillomanie chez les adultes d’au moins 18 ans à environ 1 cas pour 200 personnes. Les estimations actuelles suggèrent que 3,5 % des femmes et 1,5 % des hommes aux États-Unis ont un épisode de trichotillomanie significatif au cours de leur vie. La majorité des trichotillomanes commencent à tirer pendant l’enfance ou l’adolescence mais d’autres peuvent commencer à tout âge. Il semble que les très jeunes enfants sont davantage concernés, mais qu’ils peuvent plus facilement arrêter. Actuellement, il est considéré que la trichotillomanie est relativement répandue. Ce trouble serait assez commun et toucherait, selon les études, environ 1 à 2 % de la population. Flessner et al. (2008) rapportent quant à eux une prévalence de 0,6 % de la population mondiale. De plus, cette fréquence passe à 13 à 15 % de la population si les cas de trichotillomanie sont considérés moins sévères, c’est-à-dire n’aboutissant pas à une perte de cheveux ou de poils significative.

DESCRIPTION

La trichotillomanie est un trouble caractérisé par un arrachage répétitif des cheveux ou des poils (cils, sourcils, poils pubien, axillaires…).  Les personnes affectées s’arrachent cheveux ou poils de façon compulsive, soit pour soulager une tension, une angoisse, soit par automatisme, « sans trop y penser ». La cause de cette « manie » est mal comprise. Il s’agit toutefois d’un trouble psychologique, caractérisé par une difficulté à contrôler ses impulsions, qui aurait également des origines génétiques et neurologiques. Si elle paraît anodine, cette affection peut avoir des conséquences importantes, tant esthétiques que psychologiques. Certaines personnes peuvent « s’épiler » au point d’avoir des zones de cuir chevelu entièrement chauves. Par ailleurs, ce comportement d’arrachage est associée à un sentiment de honte, voire de détresse psychologique : la personne se cache, n’en parle pas, à tel point que le diagnostic est souvent long à être posé… D’autant plus que ce trouble est assez mal connu par les médecins et les professionnels de santé. La trichotillomanie fait partie des CRCC, au même titre que l’onychotillomanie (le fait de se ronger les ongles) et la dermatillomanie (le fait de se gratter ou se triturer les imperfections de la peau). Les « trichotillomanes » parlent rarement ouvertement de leur problème : difficile, donc, d’avoir une idée précise du nombre de personnes aux prises avec cette manie. Les auteurs scientifiques estiment néanmoins que la trichotillomanie toucherait environ 1 à 2% de la population (Gershuny et al., 2006). Pourtant, selon d’autres études récentes, jusqu’à 4% de la population pourraient être concernés. D’autres enquêtes avancent plutôt une prévalence de 1 à 3%.

Les critères diagnostics du DSM-5 :

  1. Besoin irrésistible de s’arracher les cheveux aboutissant à une alopécie manifeste.
  2. Essais infructueux pour contrôler ou arrêter ce besoin de s’arracher les cheveux.
  3. « L’arrachage de cheveux » provoque une souffrance significative ou disfonctionnement au niveau social, professionnel ou dans d’autres domaines de la vie importants.
  4. « L’arrachage des cheveux » ne peut pas être expliqué par une autre affection somatique (comme une maladie dermatologique).
  5. « L’arrachage des cheveux » ne peut pas être expliqué par une autre affection psychiatrique (par exemple l’obsession d’une dysmorphie corporelle).

Aujourd’hui, les spécialistes reconnaissent deux formes de ce trouble (qui peuvent coexister ou se succéder chez une même personne) :

  • Une forme « centrée sur le geste » : l’arrachage est un besoin impérieux qui sera effectivement suivi d’un sentiment d’apaisement ou de culpabilité.
  • Une forme automatique, au cours de laquelle l’arrachage n’est pas prémédité, ni même conscient. Il n’entraine pas de sentiment de satisfaction ni de soulagement, mais se fait de façon automatique, par exemple devant la télévision ou dans une salle de classe.

Dans les deux cas, la sévérité du trouble est variable d’un patient à l’autre. Chez certaines personnes, cela peut aller jusqu’à créer des zones d’alopécie complète sur le crâne, ou à s’arracher l’intégralité des sourcils ou des poils du torse (chez les hommes). Chez certaines personnes, l’arrachage des cheveux peut s’accompagner de « trichophagie », c’est-à-dire d’une mise à la bouche des cheveux qui se retrouvent dans l’estomac et peuvent entrainer des troubles gastriques.

CAUSES

Les études n’ont pas encore montré de cause certaine. Une mutation génétique impliquée dans la trichotillomanie aurait été identifiée mais cette piste reste à explorer. Souvent, la trichotillomanie apparaît après un traumatisme (arrachage focalisé, elle prend alors la fonction de focaliser l’attention consciente pour éviter les pensées anxiogènes), mais elle peut également commencer sans raison (arrachage automatique). Il existe de nombreuses interprétations psychodynamiques puisque les cheveux sont associés à la féminité et la trichotillomanie est plus présente chez les femmes. Le stress (d’où l’expression populaire « avoir envie de s’arracher les cheveux » lorsque les individus se trouvent dans une situation particulièrement désagréable), le syndrome post-traumatique, l’angoisse ou l’ennui peuvent provoquer des crises : le trichotillomane ne peut s’empêcher d’arracher pendant un certain laps de temps (de quelques minutes à quelques heures) où il est dans un état second, est comme dans une bulle et ne fait que cela. Il est très difficile pour un trichotillomane de sortir d’une crise.

CONSEQUENCES

Pour certains, la perte de cheveux peut être minime, alors que pour d’autres, la trichotillomanie peut entraîner de sérieux dommages physiques comme la calvitie totale ce qui entraîne une importante détresse. Certains trichotillomanes peuvent ne plus avoir d’activité professionnelle, et ne plus vouloir sortir de chez eux. Cependant dans la plupart des cas, les trichotillomanes redoutent essentiellement que leur trouble soit découvert (ils évitent d’aller à la piscine, prennent parfois plusieurs heures pour se coiffer) et utilisent de nombreux subterfuges (coiffures, foulards, maquillage) pour le cacher. La trichotillomanie est fortement associée à une image négative de soi et particulièrement de son corps, une anxiété et une frustration importante, de la dépression, une faible estime de soi, et un sentiment de ne pas être attirant(e). Selon les études, de 17 à 75 % des trichotillomanes cachent leur trouble à leur entourage. Un certain nombre de patient(e)s sont également confronté(e)s à l’incompréhension du corps médical face à ce trouble, due à une certaine méconnaissance de la trichotillomanie, qui peut être perçu de façon triviale et sans prendre en considération les implications émotionnelles et psychosociales. Or ceci ne peut qu’augmenter le sentiment de honte et le repli sur soi chez la personne. La trichotillomanie peut s’accompagne d’autres troubles psychologiques (notamment troubles anxieux, dépression, trouble de la personnalité).

L’ENTOURAGE

Il est souvent délicat pour l’entourage d’aborder le problème, surtout si la personne atteinte nie son trouble ou refuse d’en parler. Malheureusement, bien des médecins connaissent encore mal la trichotillomanie, et le diagnostic n’est parfois posé qu’après de multiples visites médicales, incluant des allers-retours chez divers dermatologues, médecins et psychologues. Finalement, c’est souvent en obtenant une visite chez un psychiatre ou un psychologue, ayant une connaissance psychopathologique de la maladie, que le traitement thérapeutique peut être amorcé.

PRISE EN CHARGE THERAPEUTIQUE

Le traitement se base généralement sur l’âge de l’individu. L’objectif de la thérapie est d’abandonner ce comportement et de soulager la détresse qui peut y être associée, ou qui peut pousser la personne à faire ce geste, de façon plus ou moins consciente. Dans un premier temps, la thérapie aidera donc le patient à prendre conscience et à vivre avec sa trichotillomanie. Comme tout trouble mental, la trichotillomanie est associée à beaucoup d’émotions, d’angoisses, et changer un tel comportement est un processus, qui demande souvent beaucoup d’efforts et de volonté. Même si les études manquent, il est désormais prouvé que la thérapie cognitivo-comportementale (TCC) est le traitement le plus efficace. Cette thérapie propose une approche personnalisée, consistant à se défaire des mauvaises habitudes en modifiant progressivement ses pensées, ses comportements, ses « réflexes » malsains. Parmi les techniques couramment utilisées en TCC, la technique de « renversement d’une habitude ». Cela peut notamment consister à effectuer un geste dès que le besoin de s’arracher les cheveux survient (exemple : serrer le poing, baisser la main et la garder « collée » au corps pour l’empêcher d’atteindre les cheveux, tout en respirant profondément..). En réalité, certains auteurs s’accordent pour considérer que la trichotillomanie présente plusieurs critères d’une addiction comportementale (persistance du comportement malgré les conséquences psychologiques et sociales, plaisir lié à l’arrachage, existence de craving, pensées anticipatoires, soulageantes et permissives autour de l’arrachage…) et la thérapie pourrait également aller dans ce sens thérapeutique. Les CRCC étant bien à la fois : impulsifs, compulsifs et addictifs.

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